Canalous Plaisance https://www.canalous-plaisance.fr Location de bateaux sans permis en France et en Europe Wed, 21 Feb 2024 10:01:39 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.1 https://www.canalous-plaisance.fr/wp-content/uploads/sites/6/2021/01/fav-icon-canalous.png Canalous Plaisance https://www.canalous-plaisance.fr 32 32 725 km à la rame sur la Loire https://www.canalous-plaisance.fr/blog/itineraires/725-km-a-la-rame-sur-la-loire/ https://www.canalous-plaisance.fr/blog/itineraires/725-km-a-la-rame-sur-la-loire/#respond Wed, 10 May 2023 14:26:37 +0000 https://www.canalous-plaisance.fr/?p=2242
Les coteaux du vignoble de Savennières (24 juin 2021).

Pagayer une centaine de kilomètres par jour pendant une semaine pour relier Roanne (Loire) et Paimboeuf (Loire-Atlantique), c’est la promesse de la Loire 725. « Nul besoin de grandes compétences en matière de navigation ni d’entraînement acharné, en revanche il faut savoir se montrer endurant, faire preuve de force mentale et de capacité de décision, résume Adrien Clémenceau au terme de sa participation à une course test qui a débuté le 19 juin dernier.

Lors d’une sortie hivernale sur le Louet, un bras angevin de la Loire, je croise Alain Morvan à bord de sa pirogue (un outrigger canoë mono-place). Le piroguier, adepte des courses de pagaie en France – notamment de la “Dordogne intégrale” – m’entretient d’une douce folie : organiser une descente de la Loire en été entre Roanne (Loire) et Paimbœuf (Loire-Atlantique), soit 725 km… 10 km de plus que la mythique Yukon River Quest, la plus longue course de sport de pagaie du monde ! Cet événement canadien réunit, chaque année, canoës, kayaks et Stand-Up Paddle boards pendant l’été arctique. Les 2 dernières éditions (2020 et 2021) ont été annulées en raison de la crise sanitaire et d’importantes inondations : un crève-cœur pour de nombreux athlètes européens.

Sur le quai de la gare d’Angers (Maine-et-Loire). Le kayak en kit dans son sac, les pagaies dans leur housse ainsi qu’un sac contenant le reste des affaires pour les 7 jours de navigation (18 juin 2021).
Roanne. Le niveau de la Loire est proche de l’étiage, mais des averses successives le feront remonter (18 juin 2021).

C’est ainsi que l’idée d’organiser, en France, une course longue distance a fait son chemin. J’ai déjà navigué 3 500 km sur la Volga (Russie) en 2019, mais jamais plusieurs centaines de kilomètres sur mon fleuve chéri. Passionné par la Loire depuis mon enfance et membre du Club nautique de Bouchemaine (Maine-et-Loire), je me suis toujours promis d’être de l’aventure si l’occasion se présentait. Et c’est ainsi que le samedi 19 juin 2021 je me retrouve à Roanne sur la ligne de départ. Informel, l’événement se voulait être un test grandeur nature afin d’organiser une 1er course officielle – “Loire 725” – dès 2022.

Avec ou sans assistance

La veille du départ, 24 pagayeurs à bord de 20 embarcations ont relevé le défi : une majorité de Stand-Up Paddle boards, des surfskis, 2 canoës, une pirogue et quelques kayaks. Quant à moi, j’ai misé sur mon kayak Narak 460 de Nautiraid. Son profil permet d’aller en mer, mais il convient bien en rivière. En kit, rangé dans sa housse, il se transporte facilement lors d’un voyage en train. Sur place, il ne me reste plus qu’à assembler sa coque en aluminium et à la recouvrir d’une peau rigide.

Le départ est imminent. Deux Stand-Up Paddle boards en carbone (19 juin 2021).
De bon matin, 1ers coups de pagaie avant le départ (19 juin 2021).

Certains participants ont choisi de bénéficier de l’assistance tout au long du trajet. De mon côté, je prévois d’être autonome. Mon sac étanche est ficelé à l’arrière du kayak. Il renferme un réchaud avec une réserve de gaz, des repas lyophilisés, un couchage, des vêtements, un panneau solaire, une une lampe frontale ainsi que des batteries externes pour recharger mes appareils numériques. La tente et le tapis de sol sont également fixés sur le pont. Je dispose de 2 pagaies en carbone, dont une de rechange rangée dans le kayak. Je dois transporter une dizaine de kilos au maximum pour ne pas être trop lourd, mais aussi pour rester efficace lors des portages, car je n’ai pas emporté de roues. Notre objectif : rejoindre Paimbœuf en moins de 7 jours, avec une durée quotidienne maximale de navigation de 16 h. Les organisateurs nous précisent que chaque participant est responsable de sa sécurité et doit se montrer respectueux du fleuve, particulièrement sur les lieux de bivouac pour préserver les sites de nidification. Nous sommes tous équipés d’une balise G.P.S. afin de suivre en temps réel nos positions sur le fleuve.

La Loire, ce n’est pas loin d’être l’Amazone !

La nuit a été courte, le départ est prévu à 6 h. Les 1ers bateaux sont posés avec délicatesse sur la petite Loire. Son niveau est proche de l’étiage. Tous les participants se mettent en ligne et le top départ est donné. Le 1er coup de pale arrache un peu de sable ! Le clocher d’Iguerande (Saône-et-Loire) jaillit au-dessus des berges, puis un autre à Chambilly. Après le passage du pont du village, les 1ers rapides obligent à la vigilance.

D’abord dense, la végétation des rives vient à se clairsemer, offrant des prairies convoitées par des troupeaux de bovins. Les veaux, craintifs mais néanmoins curieux, tendent leur tête derrière leur mère. Le taureau charolais se dresse en rempart, stoïque, les sabots dans l’eau. Un tapis blanc de plantes aquatiques se déroule jusqu’aux abords du pont-canal de Digoin. J’ai retiré mes bottines en néoprène, car elles me provoquent de sacrées crampes. Obligation de recourir au portage pour franchir le pont-canal. De l’autre côté du seuil, les rochers peuvent entraver les embarcations. Je me retrouve pris par le courant sur l’un des rochers de la pile à bâbord. Pour me dégager, je décide précipitamment de poser mon pied gauche hors du kayak. Quelle erreur ! Mon talon s’écrase sur un objet tranchant. J’enfile mes vieilles baskets et reprends le cours de ma navigation. Je longe les rives de Diou (Allier) sous un ciel noir. J’observe les éclairs déchirer le ciel. Bien conscient que j’ai toutes les chances d’attirer la foudre avec ma pagaie, je poursuis néanmoins ma descente. La grêle s’écrase sur la pale posée sur mon crâne en guise de protection. Je monte le 1er bivouac quelques kilomètres après le passage de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire). Tout est humide, la tente comprise. Après avoir rincé mon talon meurtri et appliqué un pansement, je m’endors avec 110 km au compteur.

La ville de Nevers et son vieux pont. Il est conseillé de le franchir à pied par l’arche la plus à gauche (20 juin 2021)

La grêle persiste…

À St-Benoît-sur-Loire, devant une toue cabanée (22 juin 2021).

Par chance, l’hôpital de Decize (Nièvre) est au bord de l’eau. Je décide de m’y rendre. J’emporte papiers et pagaie, le reste des affaires m’attendra sur la rive. Une fois le pied bandé, contre l’avis du médecin, je choisis de continuer l’aventure. Je fais un plein d’eau potable dans un restaurant du port. Des kayakistes ont accosté au barrage de Decize. Rouxi, Georges et Jacqueline font leur “Compostelle ligérien”. Chaque année, ils naviguent un peu plus loin. Compatissants devant mon pied enroulé dans un sac plastique, ils me proposent de transporter quelques affaires dans leurs Optimo. Il y a plus de 300 m entre le ponton situé en rive droite en amont de l’ouvrage et la mise à l’eau. C’est le plus long portage du parcours. La Loire m’absorbe de nouveau jusqu’à Imphy, dont les rapides sont à prendre avec sérieux. Nevers suit dans la foulée. Le pont de la ville pointue n’est franchissable que par portage. La nuit tombe. Je trouve une plage où bivouaquer. Au petit matin, je dépasse la confluence du fleuve et de l’Allier, et je parviens au pont de pierre du très beau village de La Charité-sur-Loire. Celui-ci offre une passe à kayaks bien indiquée pour le traverser en sécurité. Depuis le haut de sa colline, le Sancerrois (Cher) murmure de doux mots à la Loire ! Profitant du panorama, je dévore une barre énergétique, tout en me laissant dériver. Les nuages de vapeur d’eau de la centrale nucléaire de Belleville se manifestent.

Le portage le long de la centrale nucléaire est imminent… tout comme un énième orage, violent, dont les vents déchargent la grêle qui s’affale sur moi. Les courants me portent vers Briare (Loiret). Un renardeau qui se désaltérait sur la berge s’enfuit à mon approche. En soirée, je longe les quais de Gien. Puis la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly surgit à l’horizon. Je projette de passer le seuil avant 22 h et de bivouaquer en aval. Ce sera chose faite au crépuscule grâce à une petite passe pour canoës. La centrale s’illumine de ses feux rouges, avant d’être recouverte d’une purée de pois. Ce jour de Fête de la musique, tambour battant, j’ajoute 122 km à ma progression.

Rencontre devant le barrage de Decize (20 juin 2021).

Frissons à Tours

Je me suis habitué à l’effort et j’avale les kilomètres. Après le passage de quelques remous au pont de Jargeau, j’aperçois des chevrettes grimpées sur une gabare qui se font les dents sur des bouts, tout en ne me quittant pas des yeux. La Loire est chatoyante, envoûtante et se charge d’histoire au fil des kilomètres. Elle aspire le navigateur, inspire le riverain. C’est bien ici que vivait l’écrivain Maurice Genevoix. Orléans…

En route vers Nantes, devant le village des Lombardières (24 juin 2021).
La Loire a retrouvé de la vigueur vers Beaugency (22 juin 2021).

Meung-sur-Loire et Beaugency vont tomber, ma monture affronte vaillamment les vestiges d’anciens ponts. La centrale de St-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher) oblige à un nouveau portage. En fin de soirée, je longe St-Dyé-sur-Loire (où furent débarqués les matériaux du chantier de Chambord) et Cour-sur-Loire. J’ai la sensation de naviguer dans un songe. Des familles de cygnes sont à la dérive, un castor fait claquer sa queue avant de plonger, les sternes couvent sur les grèves. Il est 21 h 30 et la cité blésoise n’est qu’à quelques encâblures, mais je préfère m’arrêter à proximité du camping Val de Blois de Vineuil. Un peu basse en amont, la Loire devient plus facilement navigable. Aujourd’hui 119 km s’ajoutent à mon parcours. À l’aube, je m’engage sous le pont Jacques-Gabriel de Blois, l’un des plus beaux ponts de Loire avec son obélisque central. Pas de temps pour le tourisme, je file jusqu’à Chaumont-sur-Loire.

Après plus de 600 km, petit accueil à La Pointe, ancien village de mariniers à la confluence de la Maine et de la Loire, où j’ai passé mon enfance (24 juin 2021).

Les histoires concernant le franchissement du pont d’Amboise (Indre-et-Loire) m’ont toujours terrifié. Il s’est produit ici des accidents tragiques, et les “Attention pont” à l’approche de l’édifice ne me mettent pas en confiance. Je débarque pour faire un repérage. Sous une arche à gauche, je passe ‘’tout schuss’’. J’aperçois les flèches de la cathédrale St-Gatien de Tours. Et voilà le vieux pont Wilson. Le courant est fort entre ses piles, pas moyen de faire une vraie reconnaissance ! Troisième pile, le rapide a l’air tranquille. Alors que ça passe correctement, je vois en bas 3 gros pieux entraver la veine. Zut ! Le courant pousse bien, j’ai quelques secondes pour manœuvrer et éviter de me faire prendre en cravate ! Candes-St-Martin précède Montsoreau (Maine-et-Loire), puis Saumur vient clore cette belle journée à travers les grandes cités ligériennes. Au bivouac, en amont du pont ferroviaire de la ville, j’écoute à la radio la fin du match Portugal-France de l’Euro de foot : 2-2. De mon côté, je marque 125 km de plus.

En terres connues

Une fois le pont Cessart de Saumur franchi, c’est comme progresser dans mon jardin. Je connais l’itinéraire par cœur, quasiment kilomètre par kilomètre jusqu’à La Pointe, mon village d’enfance, où m’attendent famille et amis, avec le pique-nique ! C’est la journée balade et rien ne semble plus pouvoir m’arriver. Comme le bateau ivre, je descends le fleuve impassible. La 2de partie de journée n’est qu’un récital, de Chalonnes-sur-Loire à St-Florent-le-Vieil, puis jusqu’à Ancenis (Loire-Atlantique). En passant Mauves-sur-Loire, je cherche un endroit pour la nuit. Il n’y a plus de plage, ce sont des marécages. Sur une île de Thouaré-sur-Loire, je distingue 2 arbres morts. Foudroyés auprès de terriers de lapins, ils seront parfaits pour tendre une bâche.

Arrivée au phare de Paimbœuf, après 102 h de navigation en Loire, durant cette dernière
“La maison dans la Loire” du parcours Estuaire œuvre de Jean-Luc Courcoult créée en 2007 dans le cadre du festival d’art contemporain Estuaire – à Couëron (25 juin 2021)

Dès la pointe ouest de l’île de Nantes, la Loire s’industrialise, c’est la rade avec son lot de ferrailleurs, les odeurs de gomme et d’huile, le vacarme de la circulation sur le viaduc de Cheviré et du métal broyé par les grues aux griffes acérées. La marée descendante me pousse dans le bon sens, je prends de la vitesse devant Indre et Couëron. Empêtré dans les vagues, je serre la rive gauche pour profiter du courant, et ­ça file comme sur la rivière Kwaï. Le port de Paim-bœuf se dévoile. C’est la dernière cité ligérienne et elle possède son phare. Arrivée en fanfare, Loire faramineuse, aventure farfelue ! Suite aux retours d’expérience des différents participants, les organisateurs ont décidé que la 1re édition de la Loire 725 se déroulerait du dimanche 19 juin au samedi 25 juin 2022 au départ de Roanne. À vos agendas !

Texte et photos Adrien Clémenceau

Nos bases sur le parcours : Digoin, Briare

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Bretagne : bateaux bois, rien que de l’authentique ! https://www.canalous-plaisance.fr/blog/bretagne/bretagne-bateaux-bois/ https://www.canalous-plaisance.fr/blog/bretagne/bretagne-bateaux-bois/#respond Wed, 26 Apr 2023 15:44:03 +0000 https://www.canalous-plaisance.fr/?p=2333

Tout près de Redon (Ille-et-Vilaine), sur les voies d’eau de Bretagne, on peut croiser des bateaux inhabituels, construits tout en bois locaux, dans le respect de l’environnement, des traditions et avec une belle économie de moyens ! Des bateaux aménagés au plus simple, pour un maxi plaisir, en phase avec la nature !

Lorsque j’avais traversé le pont de St-Congard (Morbihan), à St-Martin-sur-Oust, au début de l’été 2020, je n’avais pas pris la peine de m’arrêter. À quoi bon m’attarder sur les hangars d’une scierie et son habituel parc à bois sillonné de chariots de manutention ? J’avais à faire : visiter et référencer les cales de mise à l’eau de la région ! Plus tard dans la journée, au ponton de Glénac (cale 3 étoiles, pente de 10 %…), un beau bateau bois m’a intrigué. J’ai noté les coordonnées affichées sur la paroi et terminé mon reportage. De retour au bureau, une recherche sur le web m’a permis de faire le lien entre le bois de la scierie et le bateau ! Il ne me restait pas d’autre choix que de retourner sur place rencontrer les hommes qui transforment les arbres en bateaux !

Après les palettes, la scierie propose des pergolas et du mobilier de jardin.

Se diversifier pour durer

Nicolas et Samuel Année transforment les arbres en bateaux !

La scierie Année a été créée en 1932. Quatre générations plus tard, les arrière-petits-fils du fondateur dirigent une maison qui a prospéré mais a aussi connu des aléas. En 2010, l’un des magasins de vente brûle, mettant toute l’entreprise en péril. Aux difficultés financières s’est aouté, peu après, le décès brutal du père de famille, obligeant ses fils à prendre la suite dans l’urgence. Pour s’adapter aux évolutions du marché et remonter la pente financière, la scierie a choisi de proposer de nouveaux produits : aux traditionnels bois d’œuvre et autres palettes sont venus s’ajouter des bacs à fleurs, potagers carrés, lames de clôture, pergolas ou encore des abris de jardin.

Cette activité a le mérite de limiter le gâchis par une meilleure utilisation des chutes, mais aussi de toucher un plus large public grâce à la vente par Internet. La scierie Année ne travaille que des bois de pays, et surtout des résineux, pin maritime et Douglas en particulier. À la recherche de dérivatifs pendant les périodes difficiles, Nicolas Année, l’aîné de la fratrie, achète un Boum 415 pour partir se ressourcer sur l’eau. À bord de ce petit tractable, il se prend d’amour pour les richesses nautiques de cette partie de Bretagne. Il faut dire que des voies d’eau variées s’entremêlent ici !

Le bois, le bateau et la Bretagne…

La découverte se mue en passion, que Nicolas alimente en lisant le bel ouvrage de Jacques Guillet sur la Batellerie bretonne. On y trouve, entre autres, les relevés de plan des pénettes, des bateaux de charge locaux, constitués de 2 embarcations réunies par leur tableau arrière pour n’en former qu’une seule. Un attelage que l’on pouvait désaccoupler au besoin pour les demi-tours dans les lieux étroits. On peut aussi y voir le dessin des cahotiers, bateaux à levée (leur permettant d’accoster face à la rive pour décharger plus facilement) qui assuraient le transport de pierre sur la Vilaine et tiennent leur nom des carrières de Cahot, un village riverain. Séduit par ces bateaux parfaitement adaptés à leur environnement et au mode de construction rustique, Nicolas comprend qu’il dispose, avec la scierie, de la meilleure source de matériaux possible.

Le cahotier en cours de finition.
habitables, comme L’ondine, une toue de Loire

Piqué à son tour par le virus, Samuel, son frère cadet, construit Lilcapvio, une toue de 13 m x 3,60 m, pour en faire également sa résidence. Le mode de construction à franc-bord est très simple de mise en œuvre et tire le meilleur parti des matériaux disponibles : bois résineux pour l’essentiel, hormis la membrure en chêne. Tout est rustique (c’est-à-dire fonctionnel), de la structure aux finitions. Les circuits d’eau et d’électricité sont minimalistes. Le chauffage est confié à un poèle à bois, et la partie sanitaire est constituée de toilettes sèches. Pour ces 2 usages, copeaux et chutes de bois ne manquent pas ! Des bateaux rustiques, efficaces et qui permettent un mode de vie proche de la nature.

Le Mortier de Glénac dans la lumière du levant.

Un petit paradis nautique !

Le Mortier de Glénac, classé Natura 2000, est au cœur d’une bien jolie conjonction de voies d’eau ! Un espace aquatique formé par la confluence de l’Aff avec l’Oust, qui lui-même sert de colonne vertébrale au canal de Nantes à Brest, avant qu’il ne croise la Vilaine à Redon… Il est rare de trouver une telle diversité dans un rayon d’à peine une quinzaine de kilomètres ! La Gacilly d’abord, “petite cité de caractère”, avec ses rues pavées bordées d’artisans. De là, on suit le cours de l’Aff qui serpente sous la voûte d’arbres avant de se perdre parmi les roseaux du Mortier à Glénac. Après avoir goûté les lumières du levant, les cygnes nous guident d’une balise à l’autre jusqu’aux falaises de l’île aux Pies. Varappe, accrobranche ou V.T.T… On suit ensuite le canal jusqu’au port de Redon, où l’escale est partagée avec les voiliers puisque la hauteur des ponts leur permet de venir mâtés jusqu’ici. Tout un programme !

Expérimenter encore et encore

L’aspiration au confort est un défaut humain… Un peu à l’étroit dans ses 12 m², Nicolas a entrepris pour lui-même la construction d’un cahotier cabané de 17 m x 3,60 m. Ce bateau, désormais terminé, était en cours de finition lors de notre visite : le doublage alors inachevé nous a permis d’apprécier à sa juste valeur le bien-fondé des choix de matériaux et de leur mise en œuvre. Le bardage, vissé inox, est en clins de pin Douglas sur parevapeur ; l’isolation est faite de liège, tandis que l’étanchéité de la toiture est assurée par une feuille de caoutchouc à base de pneus recyclés. Pour rester fidèles aux bois locaux, les panneaux de contreplaqué des cloisons intérieures sont de peuplier (et non d’okoumé). En visitant le bateau en chantier, on est frappé par la simplicité des choix techniques qui vont jusqu’à éviter toute quincaillerie superflue.

Les bateaux de location sont eux aussi construits avec une grande économie de moyen.
L’étanchéité du toit est réalisée avec un film de caoutchouc recyclé (cahotier)

Ainsi les portes coulissent dans une rainure, sur des roulements à bille de récupération. Simple ne veut pas dire au rabais : l’ensemble de l’accastillage de pont est en inox et le profil des bois extérieurs est arrondi pour éviter que l’eau ne stagne. Ce goût de construire et d’expérimenter différentes formes et tailles de bateaux se devait de trouver un exutoire. Des bateaux de location à la journée voient ainsi le jour. La ligne des coques reste similaire, mais chaque bateau est différent. La plupart des modèles sont couverts pour s’abriter du soleil ou des intempéries. Les bateaux sont disponibles sur réservation à partir de St-Congard, Glénac ou La Gacilly. Cette souplesse d’organisation offre de naviguer aussi bien sur le canal de Nantes 0 Brest, l’Oust ou encore l’Aff. La propulsion électrique était une évidence pour Nicolas ! Depuis ses débuts sur l’eau, il s’est procuré la plupart des modèles horsbord du marché, les marques réputées comme les “chinoiseries”. Sans a priori, il les a tous démontés et testés. Il a comparé leur qualité de construction. Le résultat ? On peut juste constater que la plupart des bateaux en location sont mus par des moteurs de marque Epropulsion à batterie intégrée, sauf un, motorisé par un Haswing, dont Bretagne bateaux bois (B.B.B.) est d’ailleurs récemment devenu distributeur.

Une cabane de trappeur sur l’eau !

Le Mortier de Glénac est un site naturel exceptionnel. On peut y passer des heures magiques à observer les oiseaux d’eau, surtout quand les couleurs de l’automne s’en mêlent. Pour cet usage, les frères Année ont construit Les arches, une pénette cabanée sur une coque de seulement 4,90 m x 2,40 m, qui permet de se poser au cœur des roseaux le temps d’un affût photo ou d’une soirée loin de la civilisation. Une sorte de cabane de trappeur flottante ! La belle plage avant ouvre sur un habitacle aussi sympa et chaleureux qu’il est rustique et dépouillé ! Deux banquettes en lattes de bois portent les matelas. La table est une rondelle de bois. Le meuble cuisine est constitué de 2 casiers. Et un réchaud portatif vient compléter le poèle à bois. Difficile de faire plus simple ! Les locataires apprécient tant ce côté minimaliste, que Nicolas et Samuel ont choisi de produire ce bateau en petite série. Grâce aux remarques recueillies, le dessin va évoluer : sur les prochains exemplaires, les banquettes pourront se convertir en lit double, et la cloison avant devrait être avancée pour permettre d’installer un petit coin toilettes (sèches, bien sûr !). Implanter un espace aussi “vaste” sur une si petite coque a été rendu possible par l’absence de poste de pilotage, remplacé par une télécommande qui agit sur le moteur électrique Haswing, placé en puits.

Les arches : tout le nécessaire de cuisine est là !

Piloter ? Un jeu d’enfant !

Le moteur Haswing Cayman est originellement destiné aux “bass-boats”, ces bateaux de pêche sportive équipés d’un moteur thermique de propulsion et d’un second, électrique, à l’avant. Ce moteur additionnel permet au pêcheur de compenser la dérive et de maintenir le bateau à l’emplacement voulu, le plus souvent à l’aide d’un pédalier. Ici, on interagit avec le moteur à l’aide d’une télécommande, que l’on porte en sautoir.

Cette dernière permet de lancer le moteur, de régler la puissance, et donc la vitesse, par incréments de 100 W, ce qui est très progressif. La direction se fait en agissant sur 2 autres touches, le retournement à 180 ° assurant la marche arrière. Une touche “panique” permet de tout couper et de reprendre ensuite à la vitesse et dans la direction précédant l’interruption. C’est à la fois ludique, efficace et très facile ! Quel confort, par exemple, de piloter de l’extérieur ou de maintenir l’avant face à la rive pendant que l’on débarque avec une amarre ! Seule la direction, qui agit par tranches d’environ 10 °, est un peu vive ! Un défaut qui ne semble pas très compliqué à corriger. Bretagne bateaux bois, désormais revendeur de la marque, n’a pas manqué de faire remonter la remarque au constructeur.

En silence et du bout des doigts !

Lilcapvio, la résidence de Samuel Année.

C’est à l’occasion d’une belle descente de l’Aff, de La Gacilly à Glénac, que j’ai pu apprécier l’agrément de ce bateau et de son mode de propulsion. La coque est très stable, ses mouvements sont doux. Malgré sa taille modeste, on n’est nulle part à l’étroit à bord et on peut se déplacer sans précaution particulière. Après un temps d’adaptation, il s’avère que le pilotage du moteur (un modèle Cayman) grâce à une télécommande est plein de promesses ! Quel plaisir de pouvoir piloter depuis où l’on veut à bord : à l’extérieur le temps d’une photo, avant de rentrer se réchauffer au coin du poêle…

Bien sûr, les mouvements de la direction sont un peu amples et obligent à beaucoup corriger, d’autant qu’avec son fond plat le bateau “savonne” pas mal. Il n’empêche que l’accostage se fait amarre en main et au millimètre ! Les 4 batteries de 170 Ah en 24 V offrent une autonomie de 11 h au régime de croisière et de 6 h en utilisant la pleine puissance. Disons-le tout net, j’ai été séduit par ce petit bateau qui offre juste le nécessaire pour des séjours nature. Certes, un tel dénuement ne conviendra pas à tous les publics, mais c’est la loi du genre et la rançon de l’authenticité !

NLilcapvio, la résidence de Samuel Année.

Tel qu’il est, ce bateau, comme les autres productions du chantier, est parfaitement adapté à son programme : offrir un mode de navigation doux et respectueux de l’environnement. De plus, il est construit sur place, avec des matériaux locaux, selon des méthodes traditionnelles. Que demander de plus ? Il semble prématuré de percevoir une politique commerciale affirmée chez B.B.B., mais à quoi bon vouloir d’emblée borner trop étroitement une activité aussi vivante et attrayante ? Les 1ers bateaux ont été construits à l’unité, souvent pour des usages privés. Même si une petite série de pénettes est prévue, il y a fort à parier que l’essentiel de l’activité de B.B.B. s’appuiera sur de nouvelles idées, portées par des matériaux et des modes de construction traditionnels. Les frères Année disposent pour cela de l’atelier au bord de l’eau, de tous les matériaux voulus et du savoir-faire pour les mettre en œuvre. Si vous passez par là, prenez le temps de vous arrêter respirer le parfum des résineux au bord de l’Oust. Les bois de votre futur toit flottant pourraient bien être déjà en train de sécher sur le parc de la scierie !

Texte et photos Olivier Chauvin

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10 conseils pour réussir vos photos en bateau https://www.canalous-plaisance.fr/blog/conseils/10-conseils-pour-reussir-vos-photos-en-bateau/ https://www.canalous-plaisance.fr/blog/conseils/10-conseils-pour-reussir-vos-photos-en-bateau/#respond Wed, 12 Apr 2023 15:14:34 +0000 https://www.canalous-plaisance.fr/?p=2302

En bateau ou simplement au bord de l’eau, voilà l’occasion rêvée de prendre des photos ! Or le monde de l’eau douce et des bateaux fluviaux n’est pas un sujet aussi facile à photographier qu’il n’y paraît. De la lumière au matériel, en passant par le héron sur sa branche… : voici nos conseils pour des images réussies !

L’eau, les bateaux et le monde fluvial en général ne sont pas si évidents à bien mettre en image : forts contrastes, éléments mouvants, angle de vue répétitif… : autant de contraintes dont il faut tenir compte pour réussir ses photos. Les quelques conseils qui suivent ne prétendent pas faire de tous des photographes accomplis ni donner LA recette des bonnes photos. Pas question non plus d’énumérer une liste du matériel indispensable sans lequel aucune image sérieuse ne serait envisageable. Notre ambition est que chacune et chacun puisse éviter les principaux pièges et parvienne à tirer les meilleures images possibles à l’aide du matériel dont il dispose. Il est bien évident que ces conseils concernent des photos “de loisir”, destinées principalement à être visualisées sur un écran. Si votre souhait est que vos photos soient imprimées voire publiées, les contraintes sont nettement plus élevées.

Devenez piéton !

En bateau, les sujets ne manquent pas, à commencer par la vie du bord et les portraits en situation des membres d’équipage. La voie d’eau a elle aussi une vie propre que l’on capte d’autant mieux que l’on est aux premières loges pour profiter du spectacle. La timonerie ou la terrasse sont des postes d’observation privilégiés qui offrent une vue qui s’étend bien au-delà des rives. En revanche, photographier depuis le bateau en naviguant donne rarement de très bons résultats : il manque le bateau dans l’image… Il est autrement gratifiant de se poster sur la rive pour capter l’image du bateau au sein de son élé[1]ment ou en cours de manœuvre. Le bateau est une vedette à qui certains angles vont mieux que d’autres ! On obtient généralement des images dynamiques en le prenant de 3/4 avant, mais on veillera à varier les points de vue en prenant de la hauteur ou en descendant au ras de l’eau. Chaque fois que possible, intégrer un 1er plan apporte de l’intérêt et du relief à l’image.

Un 1er plan apporte du relief.
Les lumières du matin et du soir sont les plus intéressantes !

Tôt ou tard, on fait de bonnes photos !

C’est au lever ou au coucher du soleil que la lumière est la plus belle, avec des ombres adoucies, des couleurs chaudes et un modelé qui sublime tous les sujets. Ce sont des moments fugaces, qui durent à peine une vingtaine de minutes, des moments que les photographes appellent les “golden hours” ou heures dorées. À ce moment-là, tout est beau ! Il est difficile de ne pas prendre de photos, et plus difficile encore de les rater. Pour être debout dès potronminet et ne pas rater cette lumière toute neuve, il suffit de disposer d’un réveil ! La lumière du soir a son charme également, mais l’air est généralement moins pur et ne recèle pas la même magie. En journée, ne négligez pas la brume ni les gros nuages, qui donnent de la vie au ciel. Si d’aventure le tonnerre gronde, gardez votre appareil à portée de main : une trouée de lumière dans un ciel plombé ne se rate sous aucun prétexte !

Au bon endroit au meilleur moment

La caractéristique première du fluvial, c’est que, quoi qu’il arrive, nous avons 2 rives ! Inévitablement, l’une est mieux éclairée que l’autre. C’est donc au photographe de prévoir sur laquelle il vaut mieux se tenir pour que le sujet et son environnement ne soient pas dans l’ombre ou, pire encore, en plein contre-jour. C’est d’autant plus important qu’il n’y a pas de pont partout et qu’il n’est donc pas toujours évident de traverser si l’on a mal prévu son coup. Le mieux est d’essayer d’anticiper en fonction de l’heure quelle rive sera la plus propice. Pour cela, on utilisera une éphéméride, qui indique où et quand la lumière se posera ! Le meilleur outil, celui que j’utilise sans cesse, se dénomme Phototime. Il s’agit d’une application gratuite pour Smartphone. Sur la base d’un fond de carte Google Maps, elle affiche, pour chaque emplacement et à tout moment, l’orientation du soleil, les heures dorées, et vous aidera grandement à prévoir les meilleurs angles de prise de vue. Vous pourrez ainsi faire en sorte d’être au bon endroit au meilleur moment.

Il n’y a pas de pont partout.
Les animaux, un des attraits de l’eau douce

Une paire de jumelles en préambule

Les animaux des bords de l’eau se laissent facilement apercevoir, mais il est nettement plus difficile de capter leur image, surtout à la volée. Lorsque le bateau pénètre dans son territoire, le héron décolle et part se poser plus loin. Il reproduit cette esquive à plusieurs reprises, jusqu’à ce que, parvenu aux limites de son territoire, il décrive un grand cercle pour regagner son poste de pêche favori. Pour faire les meilleures images possibles, on prendra le temps d’observer les animaux plutôt que de les surprendre. Pour cela, le mieux est sans doute de troquer un temps l’appareil photo contre une paire de jumelles.

Quelle boîte à images ?

Ce n’est pas le matériel qui fait la photo, mais l’œil et la sensibilité du photographe ! Le meilleur appareil est celui qui reste à portée de main. À ce jeu-là, le Smartphone est imbattable, malgré la petite taille de son capteur qui limite la qualité des images obtenues. Allez visiter le menu “Appareil photo” du vôtre, vous y découvrirez un mode “Pro” qui offre des possibilités que vous ne soupçonniez pas ! Bien sûr, on aura une bien meilleure maîtrise du résultat avec un appareil photo. Il peut s’agir d’un compact. Mais la qualité d’image, parfois à peine meilleure que celle d’un Smartphone, fait qu’on préférera un appareil à objectifs interchangeables reflex ou hybride. Les premiers disposent d’une visée optique via un système de miroir, ce qui les rend assez lourds et encombrants, tandis que les seconds sont dotés d’un écran permettant de prévisualiser l’image avant de déclencher. Cette capacité à changer d’objectif permet de faire évoluer votre matériel selon vos goûts et vos moyens, mais surtout selon les différents sujets rencontrés. Côté budget, si l’on évite de céder aux sirènes de la mode, on peut s’équiper très sérieusement pour quelques centaines d’euros. En tout cas, pour un montant pas plus élevé qu’un Smartphone de milieu de gamme.

Le Smartphone est toujours disponible, même s’il est moins performant qu’un appareil à objectifs interchangeables.

Le pare-soleil protège des projections !

En milieu nautique

Le bateau n’est pas le lieu le plus sûr pour le matériel photo. Pour commencer, on prendra soin de ne jamais le laisser à la vue sur la terrasse ou derrière une fenêtre. On évitera ainsi de tenter un indélicat. De même, on lui évitera le plein soleil, surtout s’il est rangé dans un sac noir qui concentre la chaleur. À ce propos, il est déconseillé d’emporter son matériel dans une sacoche affichant fièrement une marque prestigieuse. C’est une invitation au vol ! De plus en plus de fabricants proposent des inserts, des capitonnages intérieurs de sac photo, qui protègent parfaitement le matériel et se glissent dans un sac usuel et anonyme. Pour limiter les risques de chute, on utilisera la bandoulière, au moins en la mettant autour de son poignet. Enfin, on préviendra les chocs en utilisant une coque sur un Smartphone et en employant un pare-soleil sur un appareil photo. Ce tronc de cône est fourni avec pratiquement chaque objectif et le protège efficacement des projections et des coups.

Les accessoires utiles

Pour protéger la lentille frontale de votre objectif, vous pouvez y monter à demeure un filtre neutre de protection, dit filtre U.V. Gardez à portée de main des chiffons d’essuyage optique, mais aussi un Lenspen, un stylo de nettoyage qui possède un pinceau dépoussiérant à une extrémité et un tampon d’essuyage à l’autre. Ce nettoyage régulier de la lentille frontale est encore plus crucial sur un Smartphone, où elle est de plus petit diamètre et souvent manipulée sans précaution. Les appareils photo modernes ont le défaut d’être très gourmands en énergie électrique, aussi il est important de disposer d’au moins 2 batteries. Ainsi vous en aurez toujours une chargée et disponible. Offrez-vous un chargeur de batterie U.S.B., qui pourra facilement être utilisé à bord sans passer par un convertisseur ou sans attendre d’être branché à quai. C’est très peu onéreux et parfaitement indispensable !

Chargeur U.S.B. et Lenspen, des accessoires indispensables !

Texte et photos Olivier Chauvin

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Après Paris, les îles… https://www.canalous-plaisance.fr/blog/itineraires/apres-paris-les-iles/ https://www.canalous-plaisance.fr/blog/itineraires/apres-paris-les-iles/#respond Fri, 31 Mar 2023 10:34:59 +0000 https://www.canalous-plaisance.fr/?p=1869
La Seine depuis le pont de Chatou. À g., l’île des Impressionnistes, à dr., Chatou, au fond, le pont-rail de Chatou.

Sur la Seine en aval de Paris disparaissent ou perdurent les noms des îles pour la plupart inconnues des touristes. Ces îles ont toutes une histoire, des histoires, perdues dans les méandres du temps, qui se mêlent avec l’histoire de France et des arts. Entre l’île de la Commune, face à Maisons-Laffitte (Yvelines), et l’extrémité de l’Île Fleurie, face à Nanterre (Hauts-de-Seine), c’est toute une boucle du fleuve où peintres, architectes, personnages célèbres, ingénieurs, écrivains, aventuriers et petit peuple se sont mêlés, dans cette lumière unique qui rend l’Île-de-France si belle. À l’heure du Grand Paris, lorsque l’urbanisation s’étend bien au-delà des anciennes limites de la ville tentaculaire, il était temps de faire un petit tour de Seine et d’aller voir les îles…

Le pont-rail, au-dessus de la Petite rivière, petit bras de Seine qui longe l’île de la Commune.

Certains prétendent que la banlieue de Paris n’a pas d’histoire. Quelle erreur ! La plupart du temps, les rouages de l’histoire ont commencé à y tourner, comme un film se déroule. Des origines de Lutèce aux impressionnistes, la Seine a joué un rôle primordial. Nous sommes proches de Paris et prenons le frais sur le pont d’un bateau virtuel. Depuis le confluent avec l’Oise, la lumière est belle, très douce, dorée par endroits. Elle offre aux paysages un écrin unique.

Les peintres du début du siècle dernier ne s’y sont pas trompés : la Seine n’est pas qu’un cours d’eau, ce sont ses reflets, les miroitements de ses eaux qui habillent arbres, champs, bateaux, maisons, églises, jouent avec l’air ambiant et donnent naissance aux couleurs de l’Île-de-France, si spéciales, si légères. Les îles se succèdent, formées par les alluvions des coudes d’un fleuve devenu un peu fou, qui joue de l’accordéon aux abords de Paris. Depuis l’eau, on voit surtout des arbres, qui masquent les villes de banlieue, gomment le béton, et laissent la place aux personnages d’antan.

Les îles de la Commune et de la Borde ne font qu’une

En remontant le courant vers la capitale, la première des îles que l’on croise dans la périphérie de la petite couronne n’est pas très grande, et son histoire n’a jamais inspiré les écrivains. C’est l’île de la Commune (pointe aval au PK 58,3), soudée maintenant à l’île de la Borde, entre Maisons-Laffitte (rive gauche) et Sartrouville (rive droite). Elle nous accueille par 2 piles d’un pont aujourd’hui démoli, porte d’un petit paradis de paix et de verdure. La lumière y est très douce, comme souvent en Île-de-France.

Entrée de la Petite rivière, entre Maisons Laffitte et l’île de la Commune.

Peu de bruit ici, si ce n’est, les jours de congé, les cris des enfants heureux de jouer en pleine nature. On accède par une passerelle à cette île dédiée aux sports de toutes natures. On y trouve également un immense camping. Dans l’Île de la Borde, reliée à la berge par un pont minuscule, un hôtel de vacances pour chiens et chats est installé là, depuis plus de 30 ans, au milieu des arbres et des fleurs. Tout le site est verdoyant et tranquille, et la nature, magnifique, regorge de centaines d’essences, été comme hiver. Dans le paisible bras de la Petite rivière, on trouve brèmes, chevaines, gardons, goujons, carpes, perches et silures, comme l’expliquent quelques panneaux sur la berge, dispensés par la mairie. On ne peut pas aborder, et le bras n’est pas navigable, sauf pour les barques et avirons.

Les fantômes de l’île Corbière

Dans l’île de la Borde.

En longeant Carrières-sous-Bois et Montesson, on arrive à la petite île Corbière (en amont du PK 53), entre les 2 rives de la ville du Pecq, sous la terrasse du sublime château de St-Germain-en-Laye. C’est la seule île déserte de notre voyage. Sur les cartes anciennes, on distingue 2 autres Îles un peu en amont : l’Île des Dames, maintenant reliée à la terre ferme, et un autre îlot aujourd’hui disparu. Montant ou avalant, Corbière se contourne en la laissant sur bâbord. La nature y est reine. Il n’en a pas toujours été ainsi : le petit bourg d’Aupec, sur la rive en face, apparaît dans l’histoire en 704, et devient rapidement un port où les commerçants débarquent leurs marchandises et les chargent sur des chariots, pour éviter les nombreux péages en amont sur la rivière. Le port d’Aupec gagne en importance au fil des ans et fait vivre toute une population batelière, de métiers de pont et d’activité de transport. Un service de galiotes ou coches d’eau relie Paris à Aupec depuis le milieu du XVIe siècle, et perdure jusqu’au début du XIXe, remplacé alors par des bateaux à vapeur.

Au XVIIe siècle, la nef royale de Louis XIV utilise souvent le port pour rejoindre le château de Versailles, et les besoins de la cour font grossir le bourg. Le port “au Pecq” s’est transformé en port “du Pecq”, Aupec est devenu Le Pecq, et le rail a rejoint le bateau : en 1837, la 1re ligne de chemin de fer française réservée aux voyageurs relie la gare St-Lazare de Paris à la gare du Pecq en 28 min. Les Parisiens peuvent désormais goûter rapidement aux plaisirs de l’eau, et ils ne s’en privent pas. Certains emportent leurs pinceaux…

Moins d’un siècle plus tard, les berges du Pecq vrombissent des moteurs des hydravions : le 24 août 1913, une foule de spectateurs vient assister, devant l’île Corbière, au départ des petites libellules fragiles des concurrents de la course Paris-Deauville en hydro-aéroplane ! Une autre époque… Une plage-piscine est aménagée sur l’île, avec le succès que l’on imagine, et un bar dancing ouvre ses portes de 1934 à 1962. Puis la guerre arrive, et les plaisirs s’arrêtent. L’île Corbière, réserve ornithologique seulement peuplée d’arbres, est classée monument naturel depuis 1938. Aujourd’hui, on n’y entend plus que le R.E.R. qui traverse les arbres, sporadiquement…

Une machine a modifié le cours de la Seine

En amont du PK 51, c’est l’île de la Loge qui s’annonce maintenant. Pour alimenter en eau le château de Versailles et les bassins des jardins, Colbert, le ministre de Louis XIV, fait relier par des digues toutes les îles en amont de l’île de la Loge, de Port-Marly à Bezons. Ce nouveau bras de Seine-celui de Marly-détourne une partie du courant, qui sera accéléré par un rétrécissement, provoquant une chute artificielle pour qu’il arrive plus puissant à la sortie du coude formé devant Bougival. Le courant doit posséder la force nécessaire pour faire tourner 14 énormes roues à aubes et actionner les pompes d’une formidable machine (la machine de Marly), qui fait monter l’eau jusqu’à Versailles. Ce prodige pour le XVIIe siècle, construit dans les années 1680 par le maître-charpentier et mécanicien liégeois Rennequin Sualem, va fonctionner 133 ans. Jugée trop bruyante, d’un débit insufisant, détériorée et onéreuse, la machine sera détruite en 1817.

La machine de Marly par Pierre-Denis Martin, 1723.
Les bateaux-logements du bras de Marly.

Après une succession de diverses machines, c’est aujourd’hui un groupe d’électropompes qui a pris le relais. À bord d’un bateau de plaisance, l’île de la Loge se contourne par le bras de la Rivière neuve, sinon nous filerions droit sur le barrage. Cette portion du bras de Marly est dédiée au canotage ou à l’aviron. On découvre beaucoup de vert sur l’aval de l’île : c’est le parc de l’île de la Loge, suivi de terrains de football et de courts de tennis, puis des bâtiments de la communauté Emmaüs, un endroit un peu magique où l’on trouve vieux meubles, vaisselle et beaucoup d’autres trésors à des prix dérisoires. Au niveau du bras de Marly, une passerelle piétonne permet de passer de la rive gauche, peuplée de bateaux-logements, jusqu’à l’île, à la hauteur des courts de tennis.

On arrive après ceux-ci à une zone résidentielle, où de grandes et belles maisons ceinturées de jardins arborés occupent l’espace jusqu’au pont Abbé-Pierre, sous lequel se trouve le barrage de Bougival. Toute la zone en amont jusqu’aux écluses est interdite à la navigation. En arrivant au pont Abbé-Pierre, sur la gauche, on aperçoit derrière les arbres une tour ronde crénelée et une tourelle élégante au toit pointu. Ces dernières appartiennent à l’un des bâtiments restants de la Jersey Farm, créée en 1884. Cette ferme modèle accueillait des vaches directement venues de l’île de Jersey, traitées royalement (elles ne buvaient pas l’eau de la Seine, jugée trop polluée) et traites électriquement. Les étables étaient recouvertes de faïence bleue et de sable fin au sol. On y fabriquait le lait le plus cher de Paris, vendu porte Maillot et servi au Ritz, entre autres. L’activité perdura jusqu’à la crue de 1910, précise l’office de tourisme de Bougival. De l’autre côté du pont, sur la rive, s’élève une sorte de temple antique au fronton néoclassique sculpté. Il abritait une machine à vapeur, l’une de celles qui ont remplacé la machine décrite précédemment .

Le bâtiment de la machine à vapeur qui a succédé à la machine de Marly originelle.

On peut encore voir les gros tuyaux noirs qui grimpent à l’assaut de la colline, derrière le bâtiment. On atteint ensuite les écluses de Bougival, par lesquelles il faut passer si l’on veut profiter du bras de Marly, de son calme et de son paysage. Sur la berge de l’île de la Loge, tout à côté de la porte amont de l’écluse, une petite maison ancienne, en briques et crépi brun, possède le charme désuet des pavillons du siècle d’avant. C’était autrefois les bureaux de déclaration, où les mariniers laissaient la trace de leur passage. Juste au-dessous du niveau de la porte d’entrée, une petite plaque bleuie et presque effacée indique la terrible crue de 1910, pour qu’à jamais on se souvienne de la montée des eaux. Le petit édifice solitaire en briques roses au milieu de la Seine est tout ce qu’il reste de ce qui fut l’une des évolutions de la formidable machine de Marly. Il servait à entreposer les aiguilles en bois du barrage de la machine.

Un établissement de bains mondialement connu

Nous longeons maintenant l’île de la Chaussée, la plus scandaleuse, la plus excitante aussi, peut-être… Une halte fluviale a été aménagée au PK 48, avec eau et électricité. Primitivement nommée île de Croissy, du nom de la commune qui lui fait face, en rive droite, elle fut surtout, pendant toute la fin du XIXe siècle et jusqu’en 1930, nommée l’île de la Grenouillère, du nom d’un établissement de bains immortalisé par Claude Monet et Pierre-Auguste Renoir, où l’on croisait aussi Sisley et Pissarro. Elle était la propriété, fin XVIIIe siècle, de Jean Chanorier, ami de Joséphine de Beauharnais et agronome, qui y avait fait planter un grand nombre d’arbres exotiques. À sa mort, l’île devient propriété du marquis d’Aligre, qui la laisse progressivement à l’abandon. Les plantations redeviennent sauvages et l’île se transforme en jungle luxuriante, surnommée le Madagascar de la Seine. Cet endroit de rêve pour imaginations fertiles est (re)découvert un beau jour de 1838 par Eugène Labiche, Auguste Lefranc et Marc-Michel. Les jeunes auteurs y abordent en quête d’aventure littéraire. Envoutés par l’endroit, ils en parlent à leurs amis, et bientôt c’est toute une jeunesse intellectuelle parisienne – auteurs, hommes de théâtre, peintres romantiques et paysagistes – qui débarque dans l’île. Elle devient rapidement un lieu pittoresque la mode dans l’ouest parisien. Dans les années 1840, les jeunes gens s’y baignent nus en été et scandalisent les habitants des berges.

Anciens bureaux de déclaration (écluses de Bougival).
L’ancien poste de commande (écluses de Bougival).

En 1852, Félicité Alexandrine Seurin, née Trumeau, dite Félicie, “cabaretière” à Croissy, installe des tentes, qui seront complétées par des cabines de bain, et une buvette sur la digue entre les îles de Croissy et de Chatou, tandis que son mari fait le passeur. C’est “La Grenouillère”. Le succès ne tarde pas, et Félicie agrandit l’établissement, fait construire un ponton et des bains chauds, une grande tente avec tables et chaises, ainsi qu’un kiosque où l’on vend des plats préparés, des boissons, où l’on loue maillots et serviettes de bain. Une foule parisienne se précipite, si bien que Félicie amarre, autour de l’année 1860, deux barges dans le bras de Marly, la première avec des cabines, et l’autre un grand restaurant. La clientèle laisse à désirer, mais le succès est indéniable. Maupassant, habitué des lieux et du canotage, les décrit ainsi : « L’immense radeau, couvert d’un toit goudronné que supportent des colonnes de bois, est relié à l’île charmante de Croissy par deux passerelles dont l’une pénètre au milieu de cet établissement aquatique, tandis que l’autre en fait communiquer l’extrémité avec un îlot minuscule planté d’un arbre et surnommé le “Pot-à-Fleurs”, et, de là, gagne la terre auprès du bureau des bains. […] Ce lieu sue la bêtise, pue la canaillerie et la galanterie de bazar. les et femelles s’y valent.

Il y flotte une odeur d’amour, et l’on s’y bat pour un oui ou pour un non […]. » En 1869, Napoléon III et l’impératrice s’y arrêtent, et Renoir et Monet peignent le Pot-à-Fleurs, qui ressemble à un “camembert” avec un arbre au milieu. C’est le surnom qu’il conservera. En octobre 1889, La Grenouillère est détruite par un incendie, et remplacée l’année suivante par un pavillon de l’Exposition universelle de 1889, acquis par le nouveau propriétaire Louis Saintard. Mais l’ambiance n’y est plus. Apollinaire s’en attriste comme l’illustre un poème publié en 1913 : Au bord de l’île on voit/ Les canots vides qui s’entre-cognent,/ Et maintenant/ Ni le dimanche, ni les jours de la semaine,/ Ni les peintres ni Mau-passant ne se promènent/ Bras nus sur leurs canots avec des femmes à grosses poitrines/ Et bêtes comme chou./ Petits bateaux vous me faites bien de la peine/ Au bord de l’île. Nous avons retrouvé le Pot-à-Fleurs, ou du moins un camembert sosie, à la pointe amont de l’île : plus d’un siècle après, l’îlot fait maintenant partie de la terre et un arbre en est toujours le pivot central.

Ce petit édifice servait d’entrepôt aux aiguilles de l’ancien barrage associé à l’une des machines de Marly.
La Grenouillère par Claude Monet, 1869.

La végétation a repris ses droits, et plus une trace de La Grenouillère. L’extrémité de l’île n’est pas véritablement visible depuis le fleuve. Elle se confond avec la digue, cachée par les arbres. En revanche, lorsqu’on marche sur ce petit sentier étroit qui chemine le long de la digue dans un beau fouillis végétal, on ne peut s’empêcher de songer aux f²tes turbulentes de la fin du XIXe siècle. La lumière éclate les feuillages, épouse et éclabousse la moindre vaguelette sur les bords. Les couleurs n’ont pas changé. Seuls les hommes ne sont plus là.

La fine fleur des impressionnistes à la Maison Fournaise

On débouche sur le parc de l’île des Impressionnistes (anciennement île du Chiard), ses grandes pelouses, son parcours sportif, ses aires de jeux pour enfants et son poney-club. Plus loin, avant le pont de Chatou, un grand espace est dédié aux concerts, aux cirques Joseph Bouglione et Arlette Gruss, des habitués, et à la célèbre et très extraordinaire foire nationale à la brocante et aux jambons, qui date du Moyen Âge. ll suffit de passer de l’autre côté du pont pour effectuer une autre plongée, plus calme celle-là, dans un XIXe siècle finissant. Voici le hameau Fournaise qui abrite la Maison Fournaise, du nom de ses créateurs, le musée Fournaise et sa collection de tableaux et de documents sur le canotage et la vie des bords de Seine à l’époque, la Maison Levanneur et la gare d’eau sous laquelle l’association Sequana a élu domicile. La Maison Fournaise est mondialement connue grâce aux tableaux de Pierre-Auguste Renoir, mais le fameux balcon est aussi fréquenté par la fine fleur des impressionnistes : Monet, Manet, Sisley, Pissaro, Berthe Morisot, Degas, intime de la jolie Alponsine, la fille des Fournaise, ainsi que Caillebotte qui navigue dans le bras de Marly devant le restaurant, face à ce qui est maintenant devenu Rueil-sur-Seine, un quartier neuf de Rueil-Malmaison avec sa halte fluviale, un point de vue unique sur l’île en face.

Le Pot-à-Fleurs de La Grenoullère.
La rive de Rueil, telle que pouvaient probablement la voir les noceurs de la Grénoullère.

Alphonse Fournaise, charpentier, construit des bateaux, et Louise tient le restaurant vers 1860. Le fils, également prénommé Alphonse, loue et entretient les bateaux, et aide les dames à embarquer. Alphonsine sert de modèle à tous, séduits par sa grâce et sa beauté, Maupassant vient pratiquer un “canotage nonchalant”, les yoles vernies le disputent aux voiles des monotypes de Chatou, Flaubert et François Coppée y déjeunent, et les clients décorent les murs. Derain et Vlaminc, spécialistes des couleurs vives, installent en voisins leur atelier dans la Maison Levanneur. Ils créent le fauvisme, et reçoivent les visites de Matisse et d’Apollinaire, tandis que sous le pont de Chatou coule la Seine… Le restaurant est actuellement en rénovation, mais devrait rouvrir en été 2021. En face, sous la terrasse du restaurant de la gare d’eau, l’atelier de Sequana continue de restaurer avec talent les merveilleuses yoles de l’époque, pour faire revivre cette ambiance si charmante, ces personnages si attachants des tableaux d’Auguste Renoir : nos arrière-grands-parents. Que ces demoiselles étaient jolies…

Après le rhinocéros, l’histoire frôle la légende…

En poursuivant, dans l’île de Chatou, on dépasse un centre de recherche et développement E.D.F., face, sur le bras de la rivière Neuve, à l’écluse de Chatou, et un peu plus loin, on se retrouve nez à nez avec… un rhinocéros grandeur nature à l’entrée du Golf de l’île Fleurie. Le nom de l’île (également nommée île de Monthory, île de la Morue, île St-Martin, île aux Anglais), comme pour la Grenouillère, provient de celui du restaurant “À l’île Fleurie” d’Ernest Lemaire et son épouse, Adèle Étourneau. Une affaire acquise en 1885 que le couple a fait prospérer. L’ancien apprenti charpentier d’Alphonse Fournaise fera également édifier un hangar pour exploiter cet endroit yoles et canots (et les louer aux Parisiens en mal d’aventures fluviales, avec le succès que l’on devine), ainsi que des ateliers.

La Maison Fournaise et son fameux balcon.
La Maison Fournaise et son fameux balcon.

Adèle, cuisinière, prépare les matelotes et les fritures, plats favoris des canotiers. On y voit défiler Maupassant, Gaille-botte, Renoir, Monet, et Mistinguett. Les murs étaient décorés de fresques de Joseph Faverot, le décorateur des cabarets montmartrois. Ils sont main-tenant tombés en ruine, mais on a conservé le souvenir des heures heureuses en gardant le nom donné l’Île. Ce dont les habitués de l’Île Fleurie n’étaient peut-être pas conscients, c’est que nous sommes là ou plus exactement en face de là où tout a commencé pour Paris. Il semble bien que Nan-terre, nommée l’époque Nemeto-Dor (ou Nemetodurum), de nemeton (sanctuaire) et dor (porte, forum, marché, citadelle, en gaulois), était la capitale des Parisii, l’une des tribus de la région.

La ville était bâtie sur la rive gauche de la Seine, autour d’un port asse florissant, et protégée par un oppidum sur la colline : aujourd’hui le mont Valérien. Il semblerait qu’une grande partie de la population de la ville ait migré vers Lutèce, futur Paris, une boucle plus loin, à la fin du 1er siècle av. J.C., après le siège historique de Paris et la bataille entre Labienus, lieutenant de César, et Camulogène, chef des armées gauloises, ainsi que l’établissement de la Lutèce romaine. Nous sommes maintenant presque au bout de notre 1er voyage dans les îles de la banlieue parisienne. Il nous reste évoquer l’Île Marante et l’Île du Moulin-Joly, séparées autrefois, et réunies au XIXe à la berge de Colombes. Là où l’on vit Élisabet Vigée Le Brun, Turgot, Diderot, Condorcet, Louis et Marie-Antoinette se promener dans un parc délicieusement romantique est devenu un parc départemental le long de la Seine, où les joggeurs ont depuis longtemps oublié les personnages illustres qui ont foulé le même sol 250 ans auparavant…

L’atelier de l’association Sequana.

Après Paris, les îles…

Quai de la Marine (à g.) depuis le pont de l’Île-St-Denis. On aperçoit l’entrée du canal St-Denis sur la droite de l’image.

En remontant les dernières boucles de la Seine aval avant Paris, on croise bon nombre d’îles dont l’histoire et les histoires restent le plus souvent inconnues de tout un chacun. Lorsque ces îles n’existent plus, les fantômes surgissent et nous entraînent à la façon du Hollandais volant ou du Mary Celeste. Nous avons parcouru le fleuve depuis l’Île de la Commune, face à Maisons-Laffitte (Yvelines), jusqu’aux souvenirs de l’île Marante et de l’île du Moulin-Joly. Nous continuons maintenant notre voyage vers l’île St-Denis, entre 2 berges feuillues. Cependant, plus nous avançons, plus Paris se fait présent, avec des immeubles sur les berges, des house-boats et des Freycinet aménagés le long de ces mêmes rives, et, sur le fleuve, un trafic incessant de bateaux de commerce remplis de matériaux les plus divers…

Nous avons laissé Colombes (Hauts-de-Seine) à droite et Argenteuil (Val-d’Oise) à gauche, là où, disparues dans les vagues du temps, les îles Marante et du Moulin-Joly emportaient avec elles le souvenir des dames romantiques, laissant la Seine respirer un peu. Le fleuve ouvre maintenant ses flots larges au grands bateau de commerce chargés de sable et de gravillons, en acceptant que les eau soient parfois aussi fendues pour un temps par de petits hors-bords dans lesquels, l’été, des demoiselles en maillot de bain sourient au soleil. Nous sommes presque sous le pont d’Argenteuil, que peignaient Monet, Sisley ou Caillebotte. Ils avaient raison : le ciel de l’Île-de-France réserve à ceux qui le cérissent des couleurs uniques et surtout une lumière dorée qui rend les peintres amoureux de la Seine.

Les rives d’Argenteuil.
Pont d’Argenteuil, suivi du pont-rail d’Argenteuil.

Le paysage a bien changé : face à Argenteuil, la petite île Héloïse a disparu, car, sur la rive droite, le bras mort du fleuve qui la séparait des berges s’est retrouvé comblé au début du XIXe avec les pierres de l’ancienne enceinte médiévale. Sur l’autre rive, voici l’entrée des quais immenses et gris des darses du port de Genne-villiers (Hauts-de-Seine). On rentre ici dans le domaine de l’industriel : plus de 400 ha dédiés aux marchandises ! Nous continuons notre remontée du fleuve sous le viaduc de l’autoroute A15, sur lequel les ombres-silouettes des voitures se poursuivent comme sur l’écran d’une lanterne magique.

A quelques encablures se profile la pointe de l’île St-Denis, oblongue langue de terre courbe de quelque 7 km, formée par la réunion au XIXe siècle de l’Île St-Denis, de l’Île du Châtelier (au haut Moyen Âge, une forteresse redoutable y a été construite pour empêcher les Normands de remonter jusqu’à Paris), de l’île des Vannes, face à St-Ouen (Seine- St-Denis), et de l’île du Javeau. Cette île est presque un continent. Elle sépare les flots en deux, comme Moïse il a longtemps, et oblige les capitaines à choisir. En suivant la rive droite, sur le bâbord de notre vaisseau virtuel remontant, c’est le “grand bras” par lequel on accède au canal St-Denis, qui conduit au bassin de La Villette. Pour ceux qui aiment les bateau, l’autre côté, le « bras de Gennevilliers”, est plus attractif : une succession de bateau-logements longe la rive gauche presque jusqu’au bout de l’île.

L’île des hommes à hublots

Cette île immense est une commune à elle seule, distincte de la ville de St-Denis. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’île Saint-Denis abritait toute une population de pêcheurs, de blanchisseurs, de mariniers, ainsi qu’une communauté de scaphan-driers qui posait les câbles et les canalisations dans la Seine. C’est pourquoi on donna à l’île le surnom d’île des hommes à hublots. Plus facile à retenir que le nom véritable de ses habitants : les lodionsiens ! À la pointe aval de l’île, une petite réserve naturelle accueille les oiseau migrateurs, mais pas vraiment les visiteurs.

Entrée du port de Gennevilliers.
Les ombres des voitures sur le viaduc de l’A 15

Une sorte de chemin parcourt l’endroit, semblable à ce qu’il devait être dans les siècles passés : misérable. Après le pont-rail d’Épinay, la civilisation apparaît, mais pas dans ses aspects les plus riants. Ce n’est qu’après le pont d’Épinay que le parc départemental de L’Île-St-Denis propose un espace de verdure arboré et fleuri, où les oiseau accompagnent le promeneur. On y croise de multiples espèces, du rouge-gorge au cormoran sur les berges, en passant par les mésanges, les corneilles, les ramiers, les pies, mais aussi un oiseau vert magnifique qui a fait son apparition depuis quelques années : la perruche à collier, venue tout droit par avion du sud-est asiatique, qui s’est très bien (trop bien) acclimatée en France et en Europe.

Les kilomètres d’allées de ce parc sont un régal, et même les enfants trouvent leur compte dans les aires de jeu diverses et variées. Une « promenade des impressionnistes” à suivre d’un pas nonchalant évoque le long de la berge la mémoire de ces derniers, qui hantaient volontiers les lieu le chevalet à la main à la fin XIXe siècle. De grands cadres de bois disséminés çà et là permettaient il y a quelque temps encore d’encadrer des visions bucoliques chères à ces peintres, et de créer ainsi des tableau virtuels propices à une sensibilisation à l’art et aussi à la nature. Mais hélas, le bois de ces tableau imaginaires s’est dégradé avec le temps, et ils ont été enlevés. Dommage.

L’île St-Denis et l’île du Châtelier en 1707 (Charles Inselin, graveur).
Le parc départemental de L’Île-St-Denis

Il faut avouer que le décor enchanteur du parc tranche quelque peu avec celui des berges de la rive gauche, envahies par la zone industrielle du Val-de-Seine d’abord, puis par les épaves rouillées des cimetières à bateau et les cantiers navals de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine). Ce n’est qu’après le parc que la ville commence vraiment. Il faut dire que jusqu’il n’y a pas si longtemps, l’île St-Denis n’était pas très reluisante : elle faisait partie de ce que l’on nommait pudiquement “les banlieues pauvres”. Terrains vagues, petits jardinets maraîchers, quelques guinguettes plus ou moins sordides, la campagne de l’île semblait rongée par la misère.

L’église des pêcheurs et des bateliers

Vivre sur une île ne facilite pas l’assiduité à la messe le dimanche, surtout lorsque l’église se trouve de l’autre côté de l’eau et qu’il n’a que les passeurs pour vous y emmener. C’est encore plus compliqué lors des obsèques d’un habitant. Curieusement, il faudra attendre 1620 pour que les habitants puissent construire une chapelle sur l’Île, annexée à la paroisse St-Marcel de la ville de St- Denis (Seine-St-Denis). Cette chapelle ne devint officiellement paroisse St-Sébastien à part entière qu’en 1668. Elle permettra au lodionsiens, après travaux et aménagements, de s’y réfugier pendant les crues. Avec l’augmentation de la population, il sera nécessaire de la reconstruire entièrement. Elle sera inaugurée en septembre 1832. Cependant la population augmentant considérablement pendant le XIXe siècle, elle reste toujours trop petite. On la reconstruit donc encore, et la nouvelle église St-Pierre (patron des marins pêcheurs) ouvre ses portes en septembre 1884. Sur le tympan du fronton, une sculpture représente Jésus en pêcheur d’hommes. À l’intérieur, les fonts baptismaux en bronze se présentent sous la forme d’une étrave de bateau, et on y trouve un ex-voto offert par un batelier belge.

L’église St-Pierre.

Un quai interminable

Cimetière à bateaux à Villeneuve-la-Garenne.

De par sa situation à proimité de Paris, l’île est idéale pour entreposer des marchandises. Le commerce va peu à peu remplacer les cultures, sur les bords de Seine les usines s’installent, car elles sont plus faciles à approvisionner, et la batellerie va devenir l’une des activités principales de l’île. En 1789, dans le cahier de doléances rédigé pour les États généraux, les habitants se plaignent (entre autres) de ne pas être reliés à la rive par un pont. Il leur faudra patienter jusqu’en 1844 pour que le pont suspendu peint plus tard par Alfred Sisley (1872) voit le jour, de chaque côté de l’Île.

lL sera reconstruit au début du XXe siècle, en raison de ses malfaçons. Il se nomme aujourd’hui le pont de l’Île-St-Denis, sur lequel circulent à la fois voitures et tramway. out le long de l’Île, côté rive droite, en aval du pont de l’Île-St-Denis, court le quai de la Marine, bordé de ducs-d’albe où stationnaient à couple des dizaines de chalands au XIXe siècle (ceux-ci ont disparu, et les bateau se trouvent maintenant plutôt de l’autre côté, amarrés au quais de Villeneuve-la- Garenne). Les amateurs d’histoires macabres auront un regard sur la façade gris-rose du n° 2, où l’anarchiste assassin Ravachol loua une chambre peu avant d’être guillotiné en 1892. Parallèle au quai, la rue Arnold-Géraux sépare l’Île en deux par le milieu. On retrouve les vieilles maisons du siècle dernier, en briques le plus souvent.

Le tympan de son fronton.
L’île St-Denis et l’église St-Pierre depuis St-Denis

Celles-ci sont jolies et romantiques, et généralement entourées de verdure, bien rafraîchissante en été. Le long de la berge côté rive gauche, un délicieux chemin ombragé joint le pont de l’Île-St-Denis au parc, en longeant les immeubles. Après le pont, le quai se poursuit par le quai de Seine, puis par le quai Châtelier, qui remémore l’île éponyme aujourd’hui rattachée à l’île St-Denis. Au bout de celui-ci, face à St-Ouen, se détache la silhouette futuriste de la Grande nef de l’Île-des-Vannes, inscrite à l’inventaire complémentaire des monuments historiques, sur un terrain vague autrefois fréquenté par des chiffonniers et des roulottes.

Il s’y élevait, dans un décor tourmenté, les 3 étages de la vieille tour Mahu, construction hexagonale plus ou moins en ruine. Dans ce palais des sports de béton en forme de barque renversée eurent lieu quelques concerts historiques, comme ceux des Pink Floyd en décembre 1972, de Led Zeppelin en avril 1973, de Bruce Springsteen en avril 1981 et celui de Queen en mai 1982. Pourquoi cette grande nef de 98 m de long est-elle le palais des sports de la ville de St-Ouen ? Tout simplement parce que cette municipalité racheta le terrain au chocolats Menier en 1955, dans le projet de créer des espaces verts et des installations sportives. Ce projet naquit en 1959, et le complexe sportif fut inauguré en 1971.

Rue Arnold-Géraux sur l’île St-Denis.

La disparition de l’île Robinson et de l’île des Ravageurs

Le chemin long des berges de l’île St-Denis.

Presque 2 km plus loin en remontant vers le sud, en poursuivant le cours de notre navigation, existaient jusque dans les années 1970 deux Îles jumelles au milieu de la Seine : l’île des Ravageurs (côté Asnières, Hauts-de-Seine) et l’ÎleRobinson côté Clic, Hauts-de-Seine). Elles étaient reliées entre elles et au rives de Clic (rive droite) et Asnières (rive gauche) par un ensemble de 3 ponts, qui furent détruits pendant la guerre de 1870 et le siège de Paris. Trois bras de Seine, donc, les séparaient des rives : le bras de Clichy, le bras central et le bras d’Asnières. L’île Robinson possédait bien sûr quelques arbres, mais surtout de grues et des tas de charbon.

C’était encore la campagne, mais déjà un peu la banlieue de la ville, qui n’avait pas tout à fait absorbé la nature. Reconstruction de l’ouvrage en 1874. Quelques peintres l’immortalisent ainsi que les berges, les quais et les pêcheurs : Van Gogh, Signac ou encore Émile Bernard. On canote autour de l’île et de sa voisine. L’île Robinson disparaît entièrement à la suite des travaux de la construction du nouveau pont routier de Clichy, entre 1973͵ et 1975, qui permet l’etension de la ligne 13 du métro parisien mise en service en 1980. La Seins s’élargit considérablement, jusqu’à environ 170 m. Il faut dire que ces 2 îles freinaient le courant, provoquaient l’envasement du lit et gênaient le trafic fluvial… Pendant longtemps, l’île des Ravageurs fut occupée par des chiffonniers, pionniers du recyclage, qui passaient, en tirant leur carriole dans les rues de la capitale, récupérer vieux tissus (destinés alors à la fabrication du papier), peau de lapin et divers objets de rebut en criant « chi-ffonnier ! » C’est dans cette communauté, à cet endroit même, qu’Eugène Sue
situe “Les mystères de Paris”, dont les personnages
firent les délices des lecteurs du XIXe siècle.

L’entrée du cimetière des chiens, gardée par la sculpture
d’Arnaud Kasper
.
Culée de l’ancien pont de Clichy et ce même portail

A cette époque, les animaux domestiques morts
devaient être portés à l’équarisseur. La loi du 21 juin 1898 va changer les choses en autorisant leur enfouissement. En mai 1899, la Société française anonyme du cimetière pour chiens et autres animaux domestiques est créée par la fondatrice du quotidien La fronde, Marguerite Durand, et le jurisconsulte et publiciste Georges Harmois. Le 15 juin, la société achète au baron de Bosmolet la moitié de l’île des Ravageurs en amont du pont de Clichy pour la somme de 70000 francs. Eugène Petit, célèbre architecte parisien, est chargé du dessin du portail, situé au niveau de la culée de l’ancien pont de Cli-chy, entre les 2 îles sœurs.
L’île des Ravageurs est réunie à Asnières par le comblement du bras de Seine avec les terres de l’île Robinson lors la construction du pont ultramoderne qui réunit la route et le rail du métro sur des arches différentes, à des hauteurs différentes, à l’amont du port Van Gogh. Le pont de Clichy domine le cimetière des chiens, un lieu unique.

Le cimetière des chiens, premier du genre

Grâce à la ténacité de Marguerite Durand, le cimetière des chiens d’Asnières ouvre à la fin de l’été 1899. Il faudra attendre jusqu’à juin 1987 pour que la Commission départementale des Hauts-de-Seine classe le site, compte tenu de son « intérêt à la fois pittoresque, artistique, historique et légendaire ». C’est une ambiance très spéciale, comme on peut se l’imaginer. Une sorte de Père-Lachaise des animaux, toute vanité en moins, quoique la vanité en sous-sol perde beaucoup de son pouvoir. Il n’y a pas que des chiens. On rencontre au fil des allées des chats, des chevaux, des poneys, des moutons, des poules, lapins, oiseaux, poissons, un maki… Parmi eux, des célébrités, comme Rintintin. Celui qui a formé la légende, celui qui a son étoile sur Hollywood boulevard. Après 26 films, il décède dans les bras de l’actrice Jean Harlow. Son maître, le caporal Lee Dun-can qui l’avait recueilli dans un chenil lorrain bombardé, retraverse l’Atlantique pour l’inhumer au cimetière des chiens d’Asnières.

À l’entrée, une petite tombe sobre : celle d’un chien errant venu mourir aux portes du cimetière en 1958, le 40 000e animal à trouver le repos ici, enterré aux frais de la direction. Les épitaphes sont poignantes et éplorées, mais débordantes d’amour : « Tu étais notre beau et gentil compagnon, nous ne t’oublierons jamais », « 13 ans de bonheur », « Pauvre coco », « À ma poupée chérie, ma seule amie ». On ressort triste, mais en pensant à cette phrase d’Anatole France : « Tant qu’on n’a pas aimé un animal, une partie de notre âme reste endormie.»

Le canotage à Asnières

Port Van Gogh. Au fond, le pont de Gennevilliers.

On ne peut pas quitter ces lieu sans évoquer le canotage à cet endroit au XIXe siècle. Asnières, qui s’est rendormi sur ses folles années, fut pendant toute une période un rendez-vous incontournable pour une population parisienne éprise de plaisirs et de distractions. Jeunes gens, artistes, demi-mondaines, désoeuvrés, financiers en quête de récréations viennent canoter et s’amuser. Depuis 1838 la gare est ouverte à Asnières. Les Parisiens affluent, pour respirer l’air frais de la banlieue. C’est la Côte fleurie à quelques minutes de la capitale. Le parc du château, pas très loin de la gare, proche de l’eau, est célèbre pour ses fêtes, ses bals, comme le bal des canotiers.

Des repas y sont organisés, réunissant plusieurs milliers de participants. Sur le fleuve, le canotage connaît un essor inouï, et on organise des régates qui attirent une foule toujours plus nombreuse. Comme c’est la mode en Angleterre, c’est aussi le début des clubs nautiques en France, du Paris Roing-club, et, grâce au travaux de canalisation de la Seine qui engendrent une eau plus calme, les débuts de la voile de rivière de plaisance. Celle-ci offre des divertissements dont la société bourgeoise est friande, et on rencontre sur l’eau des célébrités comme Alexandre Dumas, Maupassant, Théophile Gautier, les peintres Monet, Meissonier, Caillebotte, et beaucoup d’autres. C’est un phénomène de mode, le reste suit : chantiers navals, guinguettes…

Parc du château d’Asnières.

Le « pénomène » va cependant péricliter avec la chute du Second Empire et la guerre de 1870. Les peintres, tels Monet, Émile Bernard, Seurat, Signac ou Renoir, sont aussi sur les rives. Grâce à eu, on se souvient maintenant de la vie d’avant-hier, et des changements survenus depuis. Van Gogh, avant de partir en Arles, peint beaucoup Asnières, ses ponts, les quais, enthousiasmé par les nouvelles couleurs et la lumière qu’il découvre. Nous sommes en 1886, il suffit de fermer les yeux.

Texte et photos Jean-François Macaigne

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